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Ionut Stan, héros pour les Roms

 

Est-ce que tu as constaté des différences culturelles ? Lesquelles ?
Oui ! D’abord la bise : chez nous, on ne fait pas la bise aux hommes, on se tend la main, sauf si on se connait depuis longtemps et j’avoue que ça m’a bouleversé. Ensuite la façon de manger : en Roumanie, on mange quand on a le temps, quand on a envie ou quand on a l’argent. Ici en France tout est bien calé, on mange toujours aux mêmes heures. Et pour finir, la confiance : en Roumanie, il faut du temps pour gagner la confiance, on ne te la donne pas facilement tandis qu’ici, on te fait plus facilement confiance.

Quels sont les avantages et les inconvénients d’être venu en France ?
D’abord l’inconvénient quand tu n’es pas chez toi, même si tu connais la langue et que tu a des amis, c’est qu’il te manque des choses, parfois les plus bizarres, comme des balades dans ton parc, boire de la bière locale ou regarder un film dans ta langue. Ensuite ce qui est difficile pour moi, c’est quand quelqu’un raconte une blague et que tout le monde rigole sauf moi. L’humour est différent et on ne peut pas le comprendre si on ne connait pas la culture de l’autre. Enfin on est loin de la famille, qui nous manque. Par contre, l’avantage c’est qu’ici la société est très ouverte contrairement à mon pays. Il y a une plus grande facilité de vie culturelle, économique et pour le logement. Le standard de vie est plus élevé. Maintenant, je peux rêver : rêver d’avoir ma maison, la tranquillité d’un travail stable et de visiter d’autres pays.


Pourquoi est-ce que tu ne pouvais pas rêver dans ton pays ?
C’est d’abord une question matérielle, tu es trop pris dans le quotidien. Ce sont des choses basiques : par exemple, c’est en France que pour la première fois, j’ai pu avoir ma chambre à moi seul. En France, j’ai appris à prendre du temps pour moi, pour mes loisirs. Par exemple je rêvais de créer un groupe de danse qui fasse des tournées en Europe : ce rêve me paraissait loin, maintenant  il me parait plus proche.

Ionut Stan est un jeune Rom. Issu d’une fratrie de 6 garçons, il est né et a vécu dans la ville la plus pauvre de sa région, en Roumanie. Elève studieux et bien éduqué, sa famille compte sur lui pour la tirer vers le haut. En septembre 2009, il arrive à Toulon en tant que volontaire civique, puis plus tard devient médiateur salarié au Secours Catholique. Je lui ai posé quelques questions pour en savoir plus.

Peux-tu nous parler de tes origines en quelques phrases ?
Je suis Rom de Roumanie et je suis né dans la région la plus pauvre de Roumanie
(Ionut est né à Pascani, dans la région de Moldavie) . Je suis Rom Laiech, c’est-à-dire que mon grand père était maréchal-ferrant dans notre village. J’ai eu de la chance car mes grands-parents gagnaient beaucoup d’argent grâce à ce métier et donc mes parents ont pu aller à l’école et nous y ont envoyés, nous aussi.


As-tu été bien accueilli en France ?
Je suis arrivé le 15 septembre 2009 à Toulon et quand je suis arrivé, j’étais très timide mais heureusement une bénévole très souriante qui s’appelait Isabelle m’a accueilli à la gare et m’a emmené chez elle. C'était la vice-présidente du Secours Catholique. En bref, j’ai été très bien accueilli.


Pourquoi avoir choisi la France ?
Quand j’étais petit, j’ai eu une prof qui était amoureuse de la culture française. C’est elle qui m’a appris à parler français et elle nous parlait de Paris, de Jo Dassin… et de la langue française, qu'elle trouvait la plus belle du monde ! J’avais souvent pensé partir à l’étranger et la France était ma destination préférée car j’avais une très bonne image de la France. J’étais policier et je voulais changer de métier. Une amie m’a appelé pour me parler d’un poste de volontaire civique en France, à Toulon, pour travailler avec les Roms.

Ionut devant le centre européen de la jeunesse à Budapest (Hongrie)

Quels sont les motivations qui t’ont poussé à partir ?
J’avais envie de changer, de recommencer. J’avais travaillé en tant que journaliste puis policier et je me suis retrouvé dans une histoire que je n’aimais pas. La Roumanie est un beau pays et c’est mon pays, mais je n’y avais pas la possibilité de m’exprimer. Je me sentais plafonné car un Rom qui a fait des études est mal accepté. J’avais aussi envie d’aider les Roms, ma communauté.


Comment se sont déroulées tes premières semaines en France ?
J’ai eu beaucoup de chance car les bénévoles du Secours Catholique ont été très gentils avec moi, ils souriaient, ils s’intéressaient à moi et ils ne corrigeaient pas trop mes fautes de français. Ils m’ont fait visiter la ville. Mais en même temps, quand je rentrais chez moi, je me sentais seul.


 

Qu’est-ce que tu aimes ou que tu n’aimes pas en France ?
Ce que j’aime ici, c’est l’ouverture des esprits aux autres cultures. J’aime aussi la ville de Toulon que je trouve très jolie. Ce que je n’aime pas c’est d’être obligé d’avoir un agenda, de devoir prendre rendez-vous pour voir mes amis. Ce que je n’aime pas aussi, c’est la situation des Roms en France.


Est-ce que tu regrettes ton pays ?
Non, je ne le regrette pas car je me dis que je vais y retourner, je ne vais pas rester ici toute ma vie, je veux mourir et être enterré dans mon pays. Mon pays est toujours là avec moi. Etre en France m’a permis d’aimer davantage mon pays.


Et pour finir, est-ce que tu as un conseil à donner aux jeunes pleins d’ambitions qui veulent quitter leur pays pour de nouveaux horizons ?
Mon conseil, c’est que si vous voulez quitter votre pays pour toujours, c’est très difficile et ce n’est pas une bonne idée. Par contre, si vous voulez avoir une expérience à l’étranger, alors allez-y car ça vous permettra de découvrir de nouvelles facultés en vous. Mais il faut faire attention. Je dis toujours : en Roumanie, on est tous des cercles et en France, ils sont tous des carrés. Quand un cercle vient habiter avec des carrés, il

lui faut du temps pour s’adapter. Ensuite quand il va retourner dans son pays, il ne sera plus tout à fait un cercle mais un cercle avec des petits coins. Il y a quelque chose qui a changé en lui, et ça va se voir, il va le sentir lui-même et les gens autour de lui vont le sentir .Je crois qu’il faut se retrouver soi-même.


Aujourd'hui Ionut a crée une association pour lutter contre les préjugés et valoriser la musique et la danse traditionnelle Rom, Gipsy Eye (www.gipsyeye.com). Il a déjà organisé des échanges entre jeunes roumains et français grâce au programme européen "Jeunesse en Action". Il poursuit son rêve d'organiser une grande tournée européenne pour faire connaître la culture Rom.

Agnès Trouchaud 4e2

Photos : Ionut Stan

Février 2013

Note de la rédaction : Pour cette interview, Agnès a reçu le premier prix catégorie 4e 3e du concours organisé par la Maison de l'Europe en Provence

Ionut dans un village de Roumanie

Ionut avec des Roms à Toulon

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